Industrie : un mouvement timide de relocalisation

Valéry Mainjot
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August 28, 2024

Alors que les investissements retrouvent en 2021 leur niveau d’avant-COVID, le mouvement de relocalisation d’industries semble s’activer dans le monde. Rien qu’en France, on dénombre deux fois plus d’ouvertures que de fermetures d’industries en 2021, soit 53 nouvelles implantations.

Les sites concernés regroupent des lignes de production, des centres de recherche et développement, ou encore des plateformes logistiques. 31 extensions ainsi que 25 modernisations dans des usines déjà existantes sont à ajouter à ce palmarès. Alors serait-ce le début d’une « vague » ? Non, pas encore, ce mouvement serait plutôt qualifié d’anecdotique. Dans le sud-ouest de la France, seuls 2% des entreprises aéronautiques et spatiales ont décidé de relocaliser pour partie leur production depuis la première pandémie.

Peut-on parler d’un patriotisme économique

Si l’on intègre les aides gouvernementales distribuées au plan national comme par l’UE au titre de la crise du COVID, on serait tenté de répondre par l’affirmative. Sur des produits en tension comme le paracétamol ou les semi-conducteurs, le gouvernement français a mis sur la table 830 millions d’euros pour réindustrialiser. Le comportement des pouvoirs publics comme celui des consommateurs incite à consommer national et à favoriser les circuits courts. La crise sanitaire a révélé crument au grand public la dépendance des économies européennes à la mondialisation de produits de première nécessité, la pénurie de masques chirurgicaux en ayant fourni l’exemple le plus criant.
Elle a aussi mis au premier plan l’absolue nécessité de préserver les entreprises nationales et les terres agricoles de la prédation d’acteurs financiers étrangers qu’ils soient chinois ou américains.

Relocaliser est-il bon pour le commerce et l’emploi ?

Pour l’OMC, la réponse est mitigée. Moins échanger pourrait ralentir la production planétaire au risque d’une perte de bien-être pour tous. Dans son rapport annuel, l’OMC spécifie même que : « Les mesures visant à restreindre le commerce, à accumuler les fournitures nationales et à renforcer l’auto suffisance nationale, loin de réduire l’insécurité économique, ont servi à l’accroître, en perturbant les chaînes d’approvisionnement, en ralentissant la production ».

Par ailleurs, si les entreprises se réimplantent, elles créent moins d’emplois du fait de la robotisation des tâches. Donc pas de miracle du côté de l’emploi, mais indéniablement un plus pour le climat du fait d’un moindre coût carbone du transport des biens manufacturés aujourd’hui très polluant.

Le débat économique est ouvert, mais nombreux sont les politiques qui ont choisi leur camp.

La Région Auvergne-Rhône-Alpes par exemple a fait de la relocalisation des entreprises une priorité avec pour objectif le retour des industries et des emplois sur son territoire. Depuis son accession à la tête de la Région en 2016, Laurent WAUQUIEZ n’a eu de cesse de mettre en avant les ressources du territoire dont il est issu. Forte d’un potentiel économique composé aussi bien de grands groupes industriels leaders dans leur domaine que de nombreuses startups innovantes et de PME familiales, la région Auvergne-Rhône-Alpes est en tête des régions industrielles en France.  Sous l’impulsion des pouvoirs publics, des liens de proximité ont été tissés. De plus, ces derniers accompagnent les projets innovants en permettant de relocaliser sur le territoire national et régional les productions parties à l’étranger.

Autre région européenne, la Wallonie a lancé un appel à projets pour : « Soutenir la relocalisation de l’alimentation ». Il a été lancé le 17 septembre 2020 et visait initialement à soutenir une dizaine d’initiatives territoriales.  En définitive, il en a mobilisé quatre fois plus et 145 projets ont été déposés par des entreprises, des pouvoirs publics ou des associations. Preuve s’il en était besoin d’une véritable dynamique sur le sujet. Les projets sont variés et innovants, qu’il s’agisse du développement de circuits courts, d’une filière céréalière bio, d’une filière de légumes bio, de la production d’huile de tournesol wallonne ou encore de soutenir une « ceinture alimentaire régionale ». Le soutien apporté prend la forme d’un financement de maximum 100 000 € par projet et par an durant 3 ans.

Alors, si nous pouvons dire que le mouvement de relocalisation est timide, il n’en constitue pas moins une dynamique de fond, solide, qui n’intègre pas seulement la définition stricte d’une relocalisation de l’industrie, mais encore une relocalisation/transformation des activités industrielles, agricoles et commerciales. Ce n’est pas seulement la recherche d’une souveraineté économique qui est en jeu, mais bien la conscience active de la nécessité impérieuse de concevoir autrement nos activités humaines pour la préservation du climat, mais au-delà, pour la refondation des échanges humains et de la relation à la nature.